Apprends-moi à me construire.
Est-ce qu’il y a des moments de votre vie qui ont davantage façonné la personne que vous êtes aujourd’hui ?
Ici je ne vous parlerai pas de l’éducation que vous avez reçue à la maison ou à l’école, j’aimerais plutôt vous faire réfléchir à des évènements que vos cellules nerveuses ont enregistré pour bâtir chacune des prises de cette paroi rocheuse escarpée qu’est la vie.
La naissance d’un enfant, un changement de carrière, les déménagements ou encore l’arrivée soudaine d’une maladie grave, sont une infime partie de ce que j’aime nommer aussi, notre « système racinaire ».
Qu’ils soient le fruit d’un choix conscient ou non, ces événements forment une rupture brutale avec un tout qui semblait jusque là homogène.
S’il y a bien des expériences que je qualifierais comme laissant une empreinte indélébile sur ma vie, je dirais sans réfléchir : le voyage. Bien qu’on l’imagine souvent à l’autre bout du monde et de longue durée, j’ai une préférence pour celui qui donne du sens à mon quotidien et souvent il peut se trouver à quelques kilomètres de chez nous, ou même en nous. À ce propos, j’aimerais citer une phrase que j’ai lu dernièrement « certains sociologues affirment que, si l’on fournit à une population les informations dont elle a besoin pour prendre des décisions visant à mener une existence plus riche de sens, on a remporté la moitié de la bataille ».
À ce stade, la réflexion sur ce qui a du sens est propre à chacun.
Une question subsiste alors : où peut-on trouver des informations qui vont pouvoir être utilisées afin de tendre vers un sentiment de signification, de but et de valeur dans la vie?
En d’autres termes, est-ce qu’il existe quelqu’un ou quelque chose capable de nous transmettre la clé vers un bonheur durable ?
Eternelle quête de l’humain, dont la réponse est subjective et peut varier d’un individu à un autre, je pense néanmoins qu’un des outils qui est à notre portée est assurément la nature qui nous entoure, sans contradiction aucune. Une nature qu’on accepte telle qu’elle est, et qu’on apprécie sous toutes ses formes, dépourvue d’intervention humaine.
Et, qui de mieux placé que les guides de plein air pour traduire ce que la nature veut nous dire. Je les nomme guides de plein air mais ils peuvent aussi prendre le nom d’instructeur d’aventures, d’accompagnateur en nature, de leader ou encore de facilitateur d’expérience en plein air. C’est aussi à eux qu’on dit maladroitement : « quand est-ce que tu vas te trouver un vrai travail? »
Je tiens à rappeler qu’il y a une nuance entre les termes « nature » et « plein air » : alors que le premier fait référence à l’environnement naturel dans son ensemble (paysages, animaux, écosystèmes etc), le second se réfère aux activités humaines qui sont réalisées à l’extérieur (randonnée, camping, pêche etc.).
En décembre dernier, je retrouve Annick Gagné sur la Côte Nord, ancienne guide de randonnée pédestre, de traineau à chiens et de kayak de mer, elle me confie la réalité de son cheminement professionnel. Je dois vous avouer que c’est vraiment la partie que j’aime le plus dans mon travail, à la fois parce que je me sens privilégiée qu’on se confie à moi mais aussi parce qu’il n’y a, selon moi, rien de plus authentique que de mettre en valeur la partie immergée de l’iceberg.
Partie de loin, et non formée aux principes de la gestion de groupe en plein air, elle a décidé d’investir en elle dans une formation qui l’a amené à se construire des bases solides. Assez rapidement propulsée dans le milieu pour guider des groupes à travers le Quebec et l’Europe, elle me raconte en détails son métier aux multiples facettes.
«J’étais guide touristique, guide de plein air, infirmière, psychologue, technicienne logistique, j’étais tout ça en même temps ».
Cette polyvalence qu’elle a développée au fil des années est, selon elle, nécessaire pour faire vivre une belle expérience aux clients, et se décentrer de son plaisir personnel en tant que guide. « Il faut se mettre de côté, faire preuve d’écoute, croire en eux ».
Elle parle justement de récompenses au même titre que son salaire à l’époque et se souvient d’une randonnée en montagne avec des jeunes, où une petite fille non expérimentée et qui faisait de l’asthme, est venue la voir à la fin, a pris Annick dans ses bras et lui a dit « Merci, si tu n’avais pas été là, je ne l’aurais pas fait ».
Un sourire inonde son visage, son sentiment de fierté est presque contagieux, elle rajoute alors que ces expériences là lui permettent aisément de surmonter ses défis du quotidien. Comme si de donner pour les autres, ça pouvait nous être intrinsèquement bénéfique.
Elle est souvent amenée à faire sortir les gens de leur zone de confort, ce qui entraine toute sorte de situation à gérer. Elle me raconte d’ailleurs une anecdote en kayak de mer où, lors de la pause diner, elle quitte quelques instants son groupe pour aller aux toilettes. Au moment où elle revient, il n’y avait plus rien à manger pour elle. Les besoins primaires de chaque membre du groupe étaient passés avant les siens.
Relativiser, s’adapter, être autonome.
Pour elle, hors de question de subir ce qui arrive dans la vie, « on peut toujours améliorer son sort ». Je suis d’accord avec elle, et je rajoute même que la nature nous le permet constamment. Même quand vous pensez que tout sera exactement comme vous l’avez prévu, la nature vous mettra toujours au défi, pour que vous ne cessiez de vous adapter à elle.
Annick c’est une personne que j’apprécie particulièrement pour sa détermination et son gout de l’aventure aux risques mesurés. Je crois sincèrement que c’est primordial de choisir nos guides, et là je vous parle de guide au sens large du terme, car ils peuvent être un membre de votre famille ou faire partie de vos amis.
Pensez dont à ces gens qui vous inspirent, à ces personnes qui vous assurent pendant votre ascension de la vie, à ceux qui vous bousculent juste assez pour vous rendre plus fort. À ces milliers d’âmes protectrices qui sont là quand le bateau tente de chavirer et qui ont le pouvoir de vous faire garder le cap, même lorsque votre mer intérieure est déchainée.
Je vous invite à visionner, ci-dessous, un court extrait de notre entrevue